La voix de l'acteur lien émotionnel
Dans son rapport au texte, la voix est, pour l'acteur, à la fois un moyen de transmettre l'émotion au public, mais aussi souvent un moyen de la faire naître et durer.
L'usage de sa voix mobilise l'interprète tout entier, physiquement, psychologiquement et émotionnellement. Cette mobilisation rend possible la convocation de son imaginaire et de ses ressources organiques. L'exploration de sa propre voix, en réalité de ses voix, car elles sont multiples, donne accès à toute une gamme de possibilité de jeux, de caractères et donc de styles et de personnages.
Mon intention est de travailler sur deux approches de la voix qui me semblent complémentaires.
La première est technique, c'est la connaissance et l'entraînement des mécanismes de la respiration, des différentes ressources musculaires qu'elle implique pour produire un son, le modifier et l'articuler. Ces mécanismes sont complexes et difficiles à visualiser comme à contrôler, mais pourtant nous les utilisons quotidiennement pour respirer, parler, rire, crier voire grogner et gémir. Il est souvent plus facile de nous appuyer sur ce que nous connaissons déjà pour pouvoir l'amplifier et l'approfondir. C'est en explorant ce nous savons déjà faire avec notre voix et en utilisant ces connaissances innées dans des exercices simples que essaierons de développer notre outil sans le forcer.
La seconde est le rapport émotionnel à la voix, sa texture, son timbre, sa tonalité, son intensité, son débit et son rythme. Ce sont ces variations et ces transformations qui nous aident à exprimer tout le spectre des émotions et aussi à entrer dans un état émotionnel et à nous y sentir à l'aise. Le travail se tourne donc vers l'expérimentation de ce que peut produire en nous notre propre voix, une fois que l'on fait un choix de tessiture, de timbre ou de rythme, et comment nous pouvons utiliser ces choix pour exciter notre imaginaire.
Nous travaillerons sur le texte lu et sur le texte appris qui nous mettent dans des postures différentes. Ces postures sont plus ou moins aisées selon les personnalités, les histoires et les habitudes de chacun. Le texte sera utilisé de différentes manières, en utilisant son contexte poétique, dramatique ou comique ou simplement comme une partition, une suite de mots, de sons même, dont le sens
importe moins que la sonorité. Nous ferons un petit travail sur le vers français comme terrain de jeu rythmique et dynamique.
Ces deux approches nous permettront de nous confronter à la problématique de la voix au service du jeu de l'acteur sur un plateau. L'espace scénique obligeant le comédien à dépasser le naturel pour pouvoir projeter le texte jusqu'au public d'une manière qui doit être audible sans cesser d'être crédible pour les spectateurs bien sûr, mais aussi pour l'acteur lui-même. Faire entendre un chuchotement, dire le désespoir, la panique, la confusion en restant compréhensible est au départ tout à fait artificiel et oblige l'acteur à une gymnastique qui peut être une source de gêne sur le plateau. Mais cette gymnastique peut être aussi source de plaisir et d'amusement et par conséquent de liberté créatrice.